Les collectivités locales ont gagné des marges de manœuvre mais à quel prix ?

Julie Marcoff, de la direction des études de la Banque Postale, a présenté les données financières sur les collectivités en France et dans les Hautes-Alpes, et répondu aux questions des maires présents.

Les communes et les EPCI reconstituent de l'épargne brute cette année, ce qui leur permet d'investir davantage mais aussi de recourir à l'emprunt. Au congrès des maires des Hautes-Alpes, les élus ont témoigné des leviers qu'ils ont actionné pour compenser les restrictions budgétaires. Mais, après les baisses de dotations de l'Etat, la disparition annoncée de la taxe d'habitation suscite de nombreuses interrogations.

Les budgets des collectivités locales ont retrouvé des couleurs cette année. Le gel de la baisse des dotations de l'Etat mais aussi la faible hausse de la masse salariale sont l'une des explications avancées par Julie Marcoff, de la direction des études de la Banque Postale. Les efforts d'économies accomplis ces dernières années par les collectivités en sont une autre. Ces différents éléments leur permettent de reconstituer de l'épargne brute et de pouvoir investir. « On est sur une reprise mais sur des niveaux qui restent en-deçà de ce qu'ils étaient en 2013 », observe Mme Marcoff. « Sur l'ensemble du mandat, les investissements seront inférieurs à ceux du mandat précédent. »

Bernard Allard-Latour, maire de Remollon depuis 37 ans, en témoigne : « J'ai des projets de 500.000 / 600.000€ pour lesquels je suis à 45% de subventions, mais je n'arrive pas à boucler les budgets. »

« Emprunter sur 50 ans, ça me paraît trop lourd »

A Forest-Saint-Julien, Fabrice Borel souligne que « de gros travaux sont à envisager sur les réseaux d'eau. On aura recours à l'emprunt mais pas sur 50 ans, car ça me paraît trop lourd ».

De manière générale, « nous avons passé au crible à peu près toutes les solutions pour réaliser des économies et faire rentrer de l'argent », rappelle Gérard Nicolas, maire de Val Buëch-Méouge. « C'est difficile. »

Autre sujet de préoccupation : la disparition de la taxe d'habitation. A l'horizon de 2020, 83% des ménages haut-alpins seront exonérés, mais les recettes seront intégralement compensées pour les communes. En revanche, quelles seront les compensations de la suppression annoncée de la taxe d'habitation ? « Elle devrait être compensée par le transfert de la taxe sur le foncier bâti perçue par le Département », indique Julie Marcoff. « Ce qui est encore incertain, c'est de savoir si ce produit sera réservé aux seules communes ou partagé avec les groupements. »

« Avec la suppression de la taxe d'habitation, nous aurons deux catégories de citoyens »

Entre 4 et 17% des communes haut-alpines (selon la formule retenue) devraient être sous-compensées. Elles devraient alors bénéficier d'un fonds de compensation, tandis que les autres communes devraient voir leurs recettes écrêtées.

« La suppression de la taxe d'habitation est une bêtise », estime René Moreau, maire de Veynes. « Aujourd'hui, un maire a en face de lui des citoyens qui ont des demandes mais qui paient tous des impôts locaux. Demain, nous aurons deux catégories de citoyens. On oppose les propriétaires aux locataires ! »

Comme le relève Gérard Nicolas, « le problème, c'est le manque de lisibilité. En permanence, on nous change les règles. Comment construire un projet dans ce contexte ? »

LES PRINCIPALES TENDANCES DE 2018

Voici les principales données départementales de l'étude réalisée par la Banque Postale sur les finances des collectivités locales (estimations).

  • Recettes : +1,3%
  • Dotations de l'Etat : elles progressent pour 78 communes (+6,48€ par habitant en moyenne) et elles baissent pour 85 autres (-5,79€ par habitant)
  • Epargne brute : +1,5% (+6,4% pour les communes)
  • Investissements : +7% (+6,8% en 2017)
  • Recours à l'emprunt : +4,5% (stabilité pour les communes ; +17% pour les groupements à fiscalité propre)
  • Encours de la dette : +0,5%